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grincheuxmarrant
2 mars 2012

Sarkozy sur France Inter, ou comment pourrir le débat public

Sarko3Dans cette campagne, Sarkozy ne jure que par la vérité. Et sur France Inter, où il était invité jeudi matin, il a insisté lourdement sur la nécessaire «précision» qu'il convenait d'avoir dans ses propos ...  tout en s'éloignant gaillardement de la vérité et de la précision dès lors qu'il était question de son adversaire.

En rugby, on dit que certaines équipes ont pour stratégie de «pourrir les ballons», pour nuire à la fluidité du jeu. En politique, c'est le débat public que l'on pourrit en caricaturant à dessein les positions adverses.

1) François Hollande et les riches...

Question de Patrick Cohen : «François Hollande avait dit qu'il n'aimait pas les riches. Il a corrigé ensuite en disant:  je n'aime pas l'argent. Et vous, vous aimez l'argent?»

Réponse de Sarkozy:  «François Hollande a dit qu'il n'aimait pas les riches, il a fixé les riches à 3000 euros par mois».  Patrick Cohen le coupe : «4000 euros».  Sarkozy maintient : «Non, non. Vous êtes un journaliste que j'apprécie beaucoup. Soyons précis. Soyons précis. C'était 3000 ou c'était 4000 euros? A 3000 euros, François Hollande n'aime pas.»



Nicolas Sarkozy par franceinter

 Cette histoire de François Hollande et des riches remonte à 2007.  Et cela explique peut-être que le souvenirs de Nicolas Sarkozy soient, en dépit de son louable souci de précision,  aussi imprécis. Car Hollande n'a jamais parlé de 3000 euros.

En janvier 2007, François Hollande, alors premier secrétaire du PS propose dans le cadre de la campagne présidentielle de Ségolène Royal un projet de taxation des riches. Invité à préciser ce qu’il entend par «riche», il évoque un revenu de 4000 euros. Dès le lendemain, dans le Parisien du 11 janvier 2007, il affirme dans une interview : «Les impôts augmenteront pour les contribuables qui sont dans les deux plus hautes tranches de l’impôt sur le revenu. Et rien que pour ceux là. Il ne s’agit que d’une remise en cause des baisses d’impôts sur les plus hauts revenus... Cela ne concerne que les contribuables qui ont un salaire de plus de 4000 euros net, soit 5000 euros bruts. Par exemple, cela s’applique pour un couple sans enfant qui aurait au moins 10000 euros brut par mois ».

Le Président n'est pas le seul à avoir la mémoire embrumée sur la question. Laurent Wauquiez prétendait récemment se souvenir que pour Hollande, c'était même à partir de 2000 euros par conjoint que les Français étaient riche... Nous l'avions désintoxiqué ici.

2) La proposition de loi socialiste pour la réindustrialisation

Au micro d'Inter, Nicolas Sarkozy a ensuite raillé la proposition socialiste visant à obliger un industriel qui souhaite se débarrasser d'un site à accepter une offre valable de reprise. A la sauce Sarkozy cela donne :  «J'ai vu qu'il y a une proposition du PS pour obliger M. Mittal à  vendre Arcelor. Mais à qui ? A qui va-t-on vendre ?»  Quelques secondes plus tard,  le Président remet une couche pour résumer la conception que les socialistes se feraient de leur relation à l'entreprise : « quant aux entreprises, quand on n'est pas content d'elles, on les oblige à vendre. Ah parfait, la belle affaire! »

C'est une bien grossière caricature de la proposition de loi socialiste déposée ces derniers jours. Laquelle ne prévoit pas d'obliger une entreprise à vendre «quand on n'est pas content d'elle», mais d'obliger les entreprises qui envisagent la fermeture d'un site d'examiner les procédures de reprise et de céder le site si une des offres d'un concurrent est validée par le tribunal de commerce. Et ce afin d'éviter que des salariés ne soient sacrifiés uniquement parce les entreprises ne veulent pas céder un site condamné à la concurrence.

Ce qui est un peu différent.

3) La taxation des riches...

Mais le plus gros fut la tentative de Nicolas Sarkozy de faire comme si le projet de François Hollande de taxer à 75% les revenus au delà de 1 million d'euros consistait en fait à taxer de 83% la totalité des revenus des Français les plus fortunés...

Premier étage de l'intox : Nicolas Sarkozy explique à tort qu'il faut ajouter aux 75% souhaité par Hollande les 8% de la CSG... en omettant qu'il y a une part déductible de la CSG, qui empêche cette addition (lire l'éclairage de nos confrères du Parisien sur ce point).

Deuxième étage de l'intox, laisser croire que ce taux de 83% (inexact, on vient de le voir), porte sur la totalité des revenus : «c'est une proposition d'une démagogie insensée, et qui va conduire à ce que les gens qui gagnent cet argent, à 83%, vous imaginez bien qu'il ne va pas rester».

Patrick Cohen rectifie : «83%, au dessus de 1 million d'euros».

Une précision qui provoque cette réaction indignée de Nicolas Sarkozy : «ah non, parce qu'on comprends pas, puisque  la position de François Hollande a changé trois fois en trois jours. J'attends la prochaine. Peut être êtes vous son porte-parole?».

Piqué, Cohen  réplique : «Je suis pas son porte parole j'ai simplement écouté ses déclarations... C'est une tranche marginale, elle s'applique au delà de 1 million d'euros ».

Sarkozy se borne à répondre : «A 83%, il n'y a aucun intêret à rester».

Or, il n'y a aucune ambiguïté sur la proposition de Hollande. Nicolas Sarkozy aurait pu se référer à l'explication qui en a été immédiatement donnée sur le site du PS. Comme cela avait été expliqué dans Libération, l'instauration d'une tranche marginale revient, pour un Français gagnant 1,5 million d'euros, à taxer à 75% uniquement les 500 000 euros au delà du million. Soit, en tenant compte des tranches préexistantes et de la tranche à 45% que Hollande veut également ajouter -au delà de 150 000 euros-,  un taux moyen de 54% sur les 1,5 million.

Nicolas Sarkozy n'en ignore évidemment rien, mais préfère jouer la confusion.

Avec un peu de chance, quelques milliers d'auditeurs seront tombés dans le panneau...

C.Mt

PS. Ajoutons une dernière erreur du Président, qui n'a cette fois rien à voir avec le PS, mais à nouveau avec les chiffres de l'éducation nationale...  En début de semaine, Nicolas Sarkozy s'était déjà emmêlé les pinceaux dans les statistiques du nombre d'élèves et de professeurs depuis dix ans. Depuis, il ne s'est pas forcément réconcilié avec les chiffres de lécole française. Alors que Patrick Cohen lui affirme que le volume d'heures supplémentaires de l'éducation nationale représente l'équivalent de 40 000 équivalents temps plein, Sarkozy le coupe: 

«Ce n'est pas exact, permettez moi de vous le dire», rétorque Nicolas Sarkozy sur un ton mi las-mi excédé.

C'est parfaitement exact, en tout cas si on se réfère au rapport parlementaire des députés Thierry Foucaud et Claude Haut.

qui écrivent ceci :

«Il apparaît que les dépenses relatives aux heures supplémentaires des seuls enseignants représentent 4 % des rémunérations d'activité de l'ensemble des personnels du ministère, soit quelque 40 000 ETPT. Les heures supplémentaires tendent à devenir une variable d'ajustement de plus en plus utilisée pour combler la désorganisation du service public qui résulte de la suppression de dizaines de milliers de postes depuis 2007».

source libération

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grincheuxmarrant
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