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grincheuxmarrant
3 mars 2012

SYRIE. Sarkozy et son ami Bachar al-Assad

Nicolas Sarkozy a longtemps chouchouté le dictateur syrien, pourtant mis au ban des nations, avant d'être l’un de ses plus virulents détracteurs. Une enquête de Christophe Boltanski et Vincent Jauvert.

Le président syrien Bachar al-Assad recevant Nicolas Sarkozy à Damas le 3 septembre 2008. (Gérard Cercles-AFP)
 
 Le président syrien Bachar al-Assad recevant Nicolas Sarkozy à Damas le 3 septembre 2008. ( 

(Retrouver l'intégralité de l'enquête dans "le Nouvel Observateur" du 27 octobre 2011)

L’ambiance est tendue, ce 15 juin 2008, quand les émissaires de Nicolas Sarkozy entrent dans le bureau de Bachar al-Assad à Damas. Un mois plus tard, le dictateur, si longtemps persona non grata à Paris, doit assister au défilé du 14-Juillet. Sa présence provoque déjà la polémique.

Afin d’adoucir les critiques, les Français ont mission de lui arracher un geste : la libération d’une poignée de prisonniers politiques malades. Comment lui, que plus personne ne reçoit, pourrait-il regimber ? Pourtant, d’un revers de main, le raïs refuse. "Ce fut un non net et brutal", confie l’un des émissaires élyséens, Boris Boillon, à un diplomate américain. Ce dernier interroge alors le Français : après une telle rebuffade, le président Sarkozy va-t-il annuler l’invitation ? Finalement, non. Boillon, gêné : "Nous ne ferons pas de la question des droits de l’homme une condition."

Sarkozy a couvé l'homme de Damas comme personne

Cette conversation révélée par Wikileaks en apporte une preuve accablante : avec les tyrans arabes, Nicolas Sarkozy s’est renié, abandonnant sans combattre les grands principes brandis pendant la campagne électorale. A sa décharge, avec Moubarak, Ben Ali et Kadhafi, il n’a pas été le seul chef d’Etat occidental à se compromettre. Mais le cas de Bachar al-Assad est différent. C’est le président français – et lui seul – qui a organisé le retour en grâce du Syrien, chef de l’un des pires régimes de la planète, dans la communauté internationale.

Depuis, pendant plus de trois ans, contre l’avis d’une grande partie du Quai d’Orsay, il a couvé l’homme de Damas comme personne, le recevant à plusieurs reprises avec tous les honneurs. En dépit des condamnations d’opposants, des tortures dans les prisons, des massacres.

ENQUÊTE. Sarkozy et son ami Bachar-al-Assad
Répression militaire à Hama le 3 août 2011. (Sipa)

Aujourd’hui Nicolas Sarkozy – dont Assad était encore l’hôte en décembre dernier – n’a pas de mots assez durs pour condamner la répression sanglante en Syrie. Après avoir été le premier à réhabiliter son régime criminel, le président est devenu l’un de ses plus grands pourfendeurs. Comme si cette fermeté affichée servait à masquer ses compromissions et ses naïvetés passées. Comme s’il voulait faire oublier à quel point, pendant trois ans, son ami Bachar l’avait roulé. Il croyait pourtant dur comme fer avoir tout compris de la Syrie.

Tourisme avec Cécilia

En 1997, redevenu simple député pour cause d’alternance, il reçoit une invitation du parti Baas, au pouvoir depuis un demi-siècle. Trois jours d’entretiens avec des apparatchiks, notamment Farouk al-Chareh, alors ministre des Affaires étrangères. Cinq jours de tourisme avec Cécilia aux frais de ses hôtes. A l’issue de son périple, il se croit autorisé à écrire dans son livre "Libre" : "Après trois ans, [l’ambassadeur de France, ndlr] n’en connaissait pas beaucoup plus que nous en huit jours."

Sarkozy repart de l’Orient compliqué avec des idées très simples sur la "tolérance religieuse" et la "fierté syrienne". "Il est revenu avec le syndrome de Lawrence d’Arabie", plaisante l’un de ses anciens collaborateurs.

Coopération sulfureuse sans état d’âme

Quand il redevient ministre de l’Intérieur, en 2005, la France est en guerre diplomatique avec Damas, après l’assassinat attribué aux services syriens de l’ami du président Jacques Chirac, l’ex-Premier ministre libanais Rafic Hariri. La Syrie se retrouve au ban de la communauté internationale, à coups de sanctions et d’embargos. L’Elysée veut faire mal au régime d’Al-Assad. Mais sans dépasser certaines limites. La France entend maintenir à tout prix au moins un lien : les échanges entre services dans la lutte antiterroriste.

La DST vient alors d’installer dans la plus grande discrétion son bureau régional à Damas. "Les Syriens nous ont menacés de suspendre la collaboration sécuritaire si nous les mettions à genoux, raconte un bon connaisseur du dossier. Or ils arrêtaient des présumés jihadistes français en route vers l’Irak et nous les renvoyaient après les avoir interrogés à leur manière... On en a récupéré des dizaines comme ça. Il fallait que ça continue."

A l’Intérieur, Nicolas Sarkozy poursuit cette coopération sulfureuse sans état d’âme. Son directeur de cabinet, Claude Guéant, reçoit le tortionnaire en chef du régime, soupçonné d’être l’organisateur du meurtre de Hariri, tout-puissant patron des renseignements militaires, Asef Chaoukat. Une relation particulière s’installe.

CLAUDE GUÉANT PORTE PLAINTE CONTRE L'EXPRESS.FR
Claude Guéant, les Syriens l'adorent. Cet ancien dircteur de la police parle leur langage, celui des moukharat (les services secrets). A Damas, c'est le visiteur du dimanche, l'interlocuteur préféré. Coincidence ? La rupture avec Al-Assad intervient juste après le départ de Guéant de l'Elysée. (c) Reuters

C’est donc tout naturellement en Syrie que, devenu président, Sarkozy veut marquer sa rupture la plus brutale avec l’ère Chirac. Depuis la mort de Hariri, le vieux président est devenu l’ennemi juré de Bachar al-Assad. Cette haine – et la politique d’isolement qui va avec –, Jacques Chirac entend la transmettre à son successeur.

En mai 2007, durant la passation de pouvoir, il organise une rencontre entre Nicolas Sarkozy et le fils de son ami assassiné, Saad Hariri. Le nouvel élu se prête à l’exercice mais, au même moment, charge Claude Guéant de reprendre langue en catimini avec le régime syrien. L’espion Chaoukat étant en disgrâce, le secrétaire général de l’Elysée recourt aux services d’un personnage tout aussi controversé, aujourd’hui mis en examen dans l’enquête sur l’attentat de Karachi, l’homme d’affaires libanais Ziad Takieddine. "C’est lui qui nous a fait passer le message que la Syrie aimerait reprendre contact avec nous", racontera-t-il plus tard à "Libération".

Nicolas Sarkozy espère tirer des gains mirobolants... 

De cette volte-face, Nicolas Sarkozy espère tirer des gains mirobolants. Un soutien crucial à son projet phare Union pour la Méditerranée, un rôle dans le processus dit de paix avec Israël, un éloignement de la Syrie du parrain iranien, la reconnaissance de l’indépendance du Liban et, aussi, bien sûr, quelques gros contrats. En échange, il va accueillir Bachar à bras ouverts. Mieux, le réintroduire dans le concert des nations. Pour le Syrien, c’est inespéré.

Quand la France déroule le tapis rouge devant Kadhafi, en décembre 2007, elle reçoit un homme déjà courtisé par la Terre entière. Assad en revanche est toujours un paria. Pis. Il poursuit en secret un programme nucléaire militaire, à la différence de l’Ubu de Tripoli, qui a renoncé à la bombe. Circonstance aggravante, la France, si sourcilleuse sur ce point à l’égard de l’Iran, ferme les yeux en toute connaissance de cause.

"Dès le début, nous connaissions l’existence de la centrale atomique d’Al-Khibar, avant même qu’elle ne soit, en septembre 2007, bombardée par les Israéliens. La preuve ? Nous avons même donné des photos à l’Agence internationale à l’Energie atomique", confie un haut responsable français. "Malgré tout, ce n’était pas forcément idiot de sortir de la guéguerre de Chirac, qui ne conduisait nulle part. Mais on est allé trop vite, trop loin. On s’est fait avoir", souligne l’un des acteurs de ce rapprochement. "Nous étions très fermes, se défend-on à l’Elysée. Nous savions que la tentation permanente de Bachar, c’était d’empocher et de donner le moins possible. La règle était?: pas de résultat, pas de dialogue." [...]

source Le nouvel observateur

 

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Commentaires
T
il est évident que n.s est en matière de politique exterieure d'une nullité extraordinaire<br /> <br /> comment at'il pu recevoir ce boucher (qui ne s'en ai jamais caché) chez nous, en France ,le pays des droits de l'homme? quelle honte il nous a infligé ! pour faire court j'ai honte depuis le jour de son élection ...<br /> <br /> j'espère que l'on pourra un jour savoir ce que guéant et sarkozy ont reçu en échange de cette alliance avec le diable <br /> <br /> cela risque d'être trés instructif !
grincheuxmarrant
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