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grincheuxmarrant
3 août 2012

François Hollande, ses premières confidences

A travers les portraits de cinq personnalités clés parus dans le magazine, Marianne2 revient sur les grands gagnants électoraux de l'année: les socialistes. François Hollande et ses arrières-pensées ; Martine Aubry et ses bouderies ; le Don Quichotte, Arnaud Montebourg ; Manuel Valls, le socialiste décomplexé et enfin Mélenchon, le vilain canard en rupture de ban, ont tous contribué d'une manière ou d'une autre à hisser la gauche au sommet. Premier épisode de notre feuilleton: François Hollande. L'occasion d'évoquer pour la première fois la fonction présidentielle, sa relation avec le Premier ministre, et même sa compagne, Valérie Trierweiler.

 

(François Hollande en visite à l'institut national du sport de l'éducation physique le 16 juillet-CHESNOT/SIPA )
(François Hollande en visite à l'institut national du sport de l'éducation physique le 16 juillet-Le pouvoir change-t-il l'homme qui l'exerce ? Ou bien n'est-il que le révélateur de sa nature profonde ? Ce matin-là, François Hollande arrive à 8 h 30 à l'Elysée. Ponctuel. Confidence amusée de l'une de ses fidèles assistantes : «Il n'est plus jamais en retard !» Il grimpe quatre à quatre le grand escalier, poursuivi jusqu'à l'entrée de son bureau par une équipe de TF1. On sait sa connivence avec les médias dont il connaît les ressorts depuis son passage au Matin de Paris dans les années 80. Elle demeure. Récemment, découvrant dans le vestibule élyséen trois journalistes du Figaro attendant l'un de ses conseillers, il les convie dans son bureau pour une conversation off. Un gros quart d'heure.

Garder le contact, occuper la fonction sans perdre sa simplicité, éviter d'être omniprésent, sans se dessaisir d'aucun pouvoir, François Hollande veut inventer un nouveau style de présidence, nourri par son parcours et sa confiance en soi. Il l'a emporté en mai parce qu'il a acquis, depuis trois ans, la conviction d'être le meilleur. Une certitude tranquille, dépourvue de narcissisme. Cet ego-là ne ressemble en rien à celui de ses prédécesseurs. Loin du général de Gaulle et de son incarnation inspirée de la France, du monarque Mitterrand, du cavalier Chirac, a fortiori du «moi je» envahissant de Nicolas Sarkozy. Le tête-à-tête de quarante-cinq minutes avec ce dernier, lors de la passation des pouvoirs le 15 mai, est édifiant. L'échange fut très courtois, contrairement à ce qu'il a été dit, mais le chef de l'Etat sortant monopolisa la parole pour parler d'un dossier (qui restera secret d'Etat) et surtout... de lui-même. Après avoir confié qu'à ses yeux la campagne électorale avait été «très belle», qu'il y avait même pris un grand plaisir, Nicolas Sarkozy s'est épanché sur sa vie personnelle, sur ce qu'il a traversé pour arriver au sommet de l'Etat et sur sa souffrance en lisant les commentaires sur sa vie privée tout au long de son quinquennat. Singulier face-à-face entre un extraverti et un pudique...

«C'est à elle de régler cette situation»

Secret, peu influençable, François Hollande considère que, dans cette fonction suprême, les sentiments personnels doivent s'effacer devant les nécessités de la politique. On l'a vu dans l'affaire du tweet de sa compagne, Valérie Trierweiler, le 12 juin, soutenant le dissident Olivier Falorni contre Ségolène Royal entre les deux tours des élections législatives à La Rochelle. Le chef de l'Etat choisit le silence. Un silence politique, révélateur de sa méthode : faire preuve de patience pour trouver le centre de gravité de tout problème, attendre que s'expriment l'offre et la demande, puis être au rendez-vous lorsqu'il faut trancher.

Malgré la déferlante de commentaires, il laisse les choses aller sans demander pour autant à quiconque de se taire. François Rebsamen, le mercredi 13 juin, déclare dans la matinée à la radio : «Il faut qu'elle apprenne la réserve qui doit être la sienne en tant que compagne du président de la République. Il y a eu trop de mélanges des genres sous Nicolas Sarkozy.» A 14 heures, le chef de l'Etat l'appelle pour lui dire : «Tu as bien parlé. Comme Jean-Marc.» Le Premier ministre avait lui-même mis en garde la compagne du président : «Chacun doit être à sa place.» Publiquement, cependant, pas un mot de l'Elysée. «C'est un exemple parfait de son talent politique, souligne Jean-Christophe Cambadélis. Il ne dit rien, ne réagit pas. Résultat, sans qu'il ait besoin de s'en mêler, les faits conduisent à la fois Ségolène Royal et Valérie Trierweiler à se taire.» François Hollande n'ignore pas que cet épisode a eu un profond retentissement dans l'opinion. Il comprend que la position de sa compagne, entre l'Elysée où elle a un cabinet et son métier de journaliste à Paris Match, est «douloureuse», mais il considère que «c'est à elle de régler cette situation».

Le passé a enseigné à François Hollande à quel point il est difficile pour l'entourage d'exister à l'Elysée. Seul compte le président. Ses propres consignes ont, en outre, renforcé les contraintes qui pèsent sur ses collaborateurs : aucun n'a le droit de s'exprimer publiquement. Ses conseillers ne sont même pas autorisés à participer aux réunions qui se tiennent à Matignon. «Je sais combien cette maison est frustrante. On restitue et on informe. C'est tout !»

Silence. Distance. Solitude

Soucieux du détail, il a choisi chaque membre de son équipe. Toujours cette observation aiguë d'autrui qui débouche sur un jugement personnel aussi pointu que discret à l'heure des choix. Beaucoup de ses camarades de la promotion Voltaire à l'ENA l'ont rejoint à sa demande. La plupart sont des technocrates qu'il croise et rencontre plus ou moins régulièrement depuis des années. «Je connais très bien tous mes collaborateurs. Je les ai jaugés dans le passé. Pierre-René Lemas, le secrétaire général de l'Elysée, était à l'ENA avec moi, nous nous voyions de temps en temps mais c'est tout. Il ne faut pas avoir d'amis autour de soi.» Conseiller politique, plume et porte-parole officieux du chef de l'Etat, Aquilino Morelle revendique une relation particulière : «Avec Sarkozy, son conseiller spécial, Henri Guaino, avait un lien amoureux. Moi, avec François Hollande, non. Il y a eu des moments de tension entre nous. Il me sait direct, abrupt, franc et loyal. On ne connaît les gens que quand on s'est engueulés.»

Nicolas Sarkozy se méfiait des hauts fonctionnaires qu'il accusait publiquement de freiner les réformes. François Hollande, lui, a pris le parti inverse. «Il ne veut pas être critiqué, explique Jean-Christophe Cambadélis, et il n'ignore pas que les critiques partent toujours de la technocratie plus que de la classe politique. Tenir l'appareil d'Etat, lui adresser des signes forts de confiance, c'est limiter les risques de fuites.» Un diagnostic que partage Aquilino Morelle : «La technostructure permet de transformer la volonté politique d'un homme en action. Les énarques sont là pour cela. François Hollande n'est pas convaincu par le recours à des personnalités de la société civile qui n'a jamais été fructueux.» Surtout ne rien laisser passer à travers les mailles du filet.

Maître des lieux, François Hollande avoue avoir eu du mal à les occuper dans les tout premiers jours de sa présidence. Il a réorganisé le bureau, fait enlever la banquette sur laquelle François Mitterrand s'asseyait quand il avait un visiteur. Une table de travail a été installée pour recevoir les collaborateurs. Ce nouveau dispositif banalise un brin le lieu et nuance l'atmosphère jupitérienne qui, néanmoins, y persiste. Silence. Distance. Solitude. «Il faut du temps pour s'approprier un tel endroit. Il est difficile de le personnaliser. Quand j'étais conseiller de François Mitterrand en 1981-1982, Jacques Attali nous recevait dans la pièce voisine. Je voyais cette porte mystérieuse que je n'ai poussée alors que quatre ou cinq fois. Jacques Chirac, lui, m'a accueilli à plusieurs reprises pour des consultations lorsque j'étais premier secrétaire du Parti socialiste. Nicolas Sarkozy aussi. La dernière fois, c'était en juillet 2008 pour la révision constitutionnelle.»

Les maléfices du palais

(A l'Elysée, le 19 juillet – FRED DUFOUR-POOL/SIPA)
(A l'Elysée, le 19 juillet – Aucun de ses prédécesseurs n'a échappé aux maléfices de ce palais qui isole le président. Les murs semblent conçus pour fabriquer des rumeurs, des intrigues, des rivalités de cour. «En m'installant ici, je savais deux choses que les faits m'ont confirmées. D'abord, l'international aspire. Au bon sens du terme. Il élève. Je n'ignorais pas que j'allais vivre une lourde séquence étrangère, mais je n'avais pas imaginé à quel point c'est prenant. Il y a les déplacements mais aussi des visites très fréquentes, de nombreux entretiens téléphoniques avec les autres chefs d'Etat et de gouvernement, sans compter les visioconférences. L'essentiel du temps présidentiel est européen et international. On y gagne en prestige, mais cette élévation crée de la distance et peut susciter chez les Français un sentiment d'éloignement, voire d'abandon. Ensuite, l'Elysée installe une fausse tranquillité. Matignon est une ruche. Ici, le temps est maîtrisé. L'activité s'y invite, mais la première réponse n'est pas présidentielle.»

C'est cette quiétude émolliente que Nicolas Sarkozy a voulu combattre avec l'hyperprésidence. François Hollande ne le suivra pas sur ce terrain-là. Par tempérament et par calcul. «Il reste le même, note Aquilino Morelle, dans sa curiosité naturelle envers les gens et les choses. Sa bonne humeur et son équanimité n'ont pas changé. Il garde cette qualité très rare : en toute situation, il voit la chose cocasse, la faille. Il lit les événements et décrypte les personnalités à travers les failles, ce qui alimente son humour. Son autorité, par ailleurs, n'est pas verticale. Il ne la démontre pas de manière hautaine. Elle est horizontale. Il aime la convergence et évite l'affrontement. Il faut certes décider, mais bien écouter, selon lui, c'est déjà bien gérer.» Le rythme de l'Elysée lui convient donc parfaitement.

La pratique hollandaise du pouvoir, un peu bonhomme, respectueuse des institutions, ne doit pas masquer la vérité : s'il n'est pas en première ligne, François Hollande veille sur tous et à tout. Le choix des directeurs de cabinet des ministres, par exemple, n'a pas échappé à sa vigilance élyséenne. Dans cette hyperprésidence débonnaire se conjuguent un sens tactique et une fermeté inattendue que ses compagnons de route ont pu vérifier parfois à leurs dépens. «Pour le moment, il ne se prend pas pour le centre de la Terre. Il fait le job, mais il ne se la joue pas.» «Hollandologue» averti, François Rebsamen n'a pas la rancune tenace. A ses yeux, François Hollande n'a pas changé depuis qu'il s'est installé à l'Elysée. Même certains de ses travers persistent !

Amis et fidélités

Ses anciens lieutenants du PS sont unanimes sur un point : «Il a toutes les qualités de François Mitterrand, sauf une : la fidélité à ses amis.» Certains, comme André Vallini, qui avait tant investi sur le dossier de la justice, ne s'en remettent pas. Le sénateur et président du conseil général de l'Isère rêvait d'être garde des Sceaux. Ce mamelouk ne comprend toujours pas que le président l'ait sacrifié sur l'autel très médiatique de la parité.

Sans doute André Vallini aurait dû croire «son ami» lorsque, au cours de la campagne électorale, il prévenait : «Je n'ai pas de mémoire.» Des mots que François Hollande ne renie pas aujourd'hui. Il ajoute même ce codicille : «Quand on est élu, on est neuf. On part de ce que l'on a envie de faire ensemble, pas de ce que l'on a traversé ensemble.»

François Rebsamen a rengainé son blues. Après tout, il ne voulait rien d'autre qu'un ministère régalien : l'Intérieur. Le chef de l'Etat a tranché. Manuel Valls, parce qu'il démine les attaques de la droite sur le terrain de la sécurité et qu'il a fait preuve d'une redoutable efficacité dans la campagne électorale, s'est installé Place Beauvau. François Rebsamen a très vite surmonté sa déception. Président du groupe socialiste au Sénat, il constitue un atout essentiel du dispositif hollandais. Il se sait utile là où il est, au coeur d'un système parlementaire dont les hollandais contrôlent tous les rouages importants. Un travail de conquête mené avec détermination.

La ligne présidentielle est claire. Etre là où il le faut pour réagir quand il le faut. Conclusion de Rebsamen : «François Hollande sait où il veut aller, et pour y arriver il n'y a pas d'amis.» Même s'il n'a pas les mains dans le cambouis comme Nicolas Sarkozy, ce méticuleux ne laisse rien passer. Ainsi François Rebsamen a-t-il milité en vain pour que l'ancien patron du Parti communiste Robert Hue, loyal hollandais dans la campagne, entre au gouvernement.

Autre fidèle de la première heure, Bruno Le Roux connaissait ce trait singulier et si politique de François Hollande. Il avait compris qu'une fois élu il appellerait des visages nouveaux autour de lui. Habilement, il ne s'est donc pas inscrit dans la course ministérielle, préférant se lancer à la conquête de la direction du groupe parlementaire socialiste à l'Assemblée nationale. Un poste stratégique où il a été élu par acclamation, successeur de Jean-Marc Ayrault dans ce rôle de patron des députés du PS. «La PME Hollande a donné un beau holding à l'Elysée, s'amuse-t-il, avec de solides filiales. Avec moi, il s'informe sans intervenir. Il ne me dit pas "il faut que...", mais il ne se met pas non plus dans la posture "débrouillez-vous et réglez le problème..." Il cherche à comprendre les difficultés, à savoir d'où elles peuvent venir. Il est à la fois au-dessus et en prise directe.» A ce constat, François Hollande fait ainsi écho : «L'amitié, oui, mais l'utilité prime quand on gouverne. C'est cruel mais c'est ainsi.»

Double obsession politique

L'«utilité», mot clé pour comprendre cet homme et sa pratique du pouvoir. Une double obsession politique traverse son action : 1) ne pas aller à la faute ; 2) ne pas se faire d'ennemis. Le choix de Jean-Marc Ayrault pour Matignon correspond à ces préoccupations. Leurs quinze années de travail commun, l'un à la tête du PS, l'autre à la présidence du groupe parlementaire, a certes créé une confiance forte, mais, surtout, le chef de l'Etat pense que le Premier ministre n'est pas homme à commettre de faux pas. Qu'il ne soit pas tonitruant lui convient très bien, car il ne veut pas de polémiques inutiles. Lui-même n'est jamais cassant ou colérique. Et d'éventuels écarts dans les courbes de popularité au profit d'Ayrault ne le troubleraient guère. Notation d'un de ses proches : «Quand on a commencé une présidentielle à 2 % dans les sondages et qu'on s'est fait élire, on ne redoute pas les baromètres de popularité.» L'Elysée a, d'ailleurs, supprimé les sondages. Encore un pied de nez à Sarkozy, consommateur effréné d'études d'opinion. «Si une étude s'avérait nécessaire, ce qu'il ne faut pas exclure, précise Aquilino Morelle, nous passerions une convention avec le Service d'information du gouvernement, qui dépend du Premier ministre. C'est la recommandation de la Cour des comptes.»

Pas question de se laisser piéger dans des querelles vaines ou dangereuses. Ne rien compromettre non plus de l'image qu'il veut donner de la relation Elysée-Matignon. «Dans la Ve République, note-t-il, on peut éloigner le Premier ministre, mais, au bout de quelque temps, il revient sur le devant de la scène. Nicolas Sarkozy a marginalisé Fillon et a fini par le voir reprendre son rôle.» Ainsi a-t-il veillé à rester le plus discret possible les 2, 3 et 4 juillet pour ne pas parasiter le discours de politique générale de son Premier ministre : «C'est la séquence de Jean-Marc Ayrault, il faut que je l'accepte. Voilà pourquoi je me suis aussi interdit tout commentaire sur le rapport de la Cour des comptes. Il faut lutter contre la tentation d'intervenir.»

Les usages ont, néanmoins, été respectés. Après avoir rédigé son discours, le chef du gouvernement l'a adressé à l'Elysée le dimanche 1er juillet. François Hollande l'a relu plume à la main, corrigé, avant d'en confier la relecture à Aquilino Morelle. Son objectif : qu'une formule jaillisse de ce discours, le résume et imprime les esprits. Ainsi a-t-il insisté sur la notion de confiance que Jean-Marc Ayrault a reprise en péroraison à la tribune de l'Assemblée le 3 juillet. «Evidemment, je ne découvre pas Jean-Marc, mais je mesure la force de ses convictions. Il n'était pas pour rien proche de Jean Poperen dans les années 80 ! Quand il a une idée, il ne la lâche pas. Son ADN, c'est le compromis social, plus un grand sens de l'amitié franco-allemande et un engagement européen.» Il a pu mesurer son caractère dans l'affaire du permis d'exploration accordé au groupe Shell au large de la Guyane. Nicole Bricq, ministre de l'Ecologie, a subi les foudres du chef du gouvernement pour avoir voulu remettre en cause ce permis, avec la complicité d'Arnaud Montebourg, sans en informer Matignon. Résultat, Ayrault l'a mutée au Commerce extérieur à l'occasion du petit remaniement qui a suivi les élections législatives.

Autre image voulue du fonctionnement du couple exécutif : si François Hollande a décidé d'ouvrir le 9 juillet la conférence sociale avec les partenaires sociaux, il laissera le Premier ministre la conduire, car, selon lui, les syndicats veulent retrouver le chemin de Matignon. Une fois encore, la méthode est à l'opposé de celle de son prédécesseur qui avait ouvert les portes de l'Elysée aux syndicats avant de les fustiger, brisant le dialogue social. Sarkozy s'étalonnait en se fixant des objectifs précis et offrait donc ses résultats à une critique cinglante. Hollande, lui, est dans le mouvement, il laisse toujours les choses ouvertes, ne se lance pas dans des démonstrations d'autorité.

De la discrétion

(Sommet de l'Otan, le 21 mai 2012, à Chicago - Carolyn Kaster/AP/SIPA)
(Sommet de l'Otan, le 21 mai 2012, à Chicago -
 
Pour illustrer ce savoir-faire, Jean-Christophe Cambadélis recourt à une image flatteuse : «C'est un matador, il est dans les cornes et fait tourner la bête autour de lui. Le risque de coup de corne existe, mais, quand la bête tourne, c'est magnifique. En revanche, comme les grands matadors, il n'aime pas tuer.»

S'il préfère la discrétion à l'habit de lumière, François Hollande a, malgré tout, été contraint de le passer sur la scène internationale. Comme en politique intérieure, il a d'abord évalué ses interlocuteurs au G8 et au G20, les a identifiés sans se laisser impressionner. «Ce qui m'a fait le plus mal, confie-t-il, c'est que l'Europe apparaît amoindrie dans ces sommets. On sent que la Chine et l'Inde nous interpellent sur une situation qu'elles jugent dangereuse et péjorative.» Barack Obama, ensuite : «Il est très construit, très informé, mais c'est d'abord un Américain, très conscient de la puissance des Etats-Unis. Il a été complice, car il a besoin de la croissance en Europe pour relancer l'activité dans son pays.» Angela Merkel, enfin : «J'ai vite compris sa personnalité, forte mais pas trouble. On sait ce qu'elle veut et elle a le sens du compromis tout en tenant sa position. Contrairement à ce qui est dit, nos rapports ne sont pas mauvais. Evidemment, de mon côté, j'ai voulu élargir les rapports de force. Je l'ai fait avec Obama au G8, tout en veillant à ne jamais isoler l'Allemagne. Je l'ai encore fait au sommet européen de Bruxelles les 28 et 29 juin.
 
Angela Merkel a joué un rôle précieux. Elle a compris qu'il lui fallait bouger face à l'Italie et à l'Espagne qui ont utilisé leur faiblesse comme une force. De mon côté, j'ai réalisé qu'il fallait très vite sortir de la discussion à 27. C'est interminable et les premières heures ne sont jamais consacrées à ce que croient les commentateurs. L'essentiel vient après. J'ai vu que Monti et Rajoy voulaient tout bloquer et qu'il fallait très vite se recentrer sur les 17 de la zone euro pour avancer.» C'est ainsi que, sans parler de miracle ou de grand bond, sans que François Hollande délivre non plus un grand discours sur l'avenir de la construction européenne, la zone euro a pu avancer sur la croissance, l'union bancaire, le rôle de la BCE, le rachat des dettes souveraines.

Ni sang ni larmes

Un maximum d'effets dans un minimum d'espace ! De l'hollandisme pur sucre ! Une méthode que l'on va revoir à l'oeuvre dans les mois qui viennent. Si les mots «rigueur» et «austérité» sont bannis du langage gouvernemental, nul doute que François Hollande surfera sur la pédagogie des événements pour faire avaler une rude cuillerée de goudron aux Français. Jamais, cependant, il ne s'adressera à la nation pour annoncer du sang et des larmes. Le prudent discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault illustre cette stratégie. Le chef de l'Etat semble surtout s'inspirer de cette formule d'Ibn Saoud : «Pour moi, tout est moyen, même l'obstacle.»

Ainsi va-t-il se servir du sommet européen pour faire passer la «règle d'or» après consultation du Conseil constitutionnel. Il n'ignore rien de la situation économique du pays, de sa fragilité et de la nécessité d'agir, mais il est insensible aux critiques ou aux sommations médiatiques qui voudraient lui faire avaliser le mot «rigueur». Il a constaté que l'austérité seule n'était pas salvatrice : l'exemple italien est là pour le démontrer. «L'accumulation des mesures d'austérité ne conduit pas au redressement. Monti a réduit le nombre de fonctionnaires, relevé l'âge de la retraite et les taux d'intérêt sont toujours à 6 ou 7 % !» observe-t-il. Le collectif de 7,5 milliards d'euros que le gouvernement va faire adopter par le Parlement dans les prochains jours n'est qu'une étape et les mesures ne toucheront guère les Français. Le vrai rendez-vous, à ses yeux, est le budget 2013.

Ce sera son heure de vérité et un exercice de haute voltige entre la nécessité de conjuguer impôts, réformes de structure et flexibilité pour redresser les comptes, réveiller notre compétitivité. Le temps du courage et des réformes sonnera alors. Mais nul d'ici là ne le poussera dans le dos. Il ne prendra pas le risque de se tromper en se précipitant. Peut-être croit-il à cette formule de François Mitterrand : «N'anticipez pas trop, la vie est plus intelligente que vous» ?
source marianne 

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