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grincheuxmarrant
4 mars 2012

Sarkozy ou la leçon d’incivisme permanente

Les privilégiés du fric sont devenus des assistés du fisc. Il aura suffi que François Hollande propose l’instauration d’une tranche d’imposition à 75% sur les très hauts revenus pour déclencher les foudres de Nicolas Sarkozy et de ses sbires.

 

(N.Sarkozy - ABD/SIPA)
Nicolas Sarkozy a ceci de particulier qu’il ne recule devant rien. Avant d’avoir inventé le risque d’une « épuration » au cas où la gauche reviendrait aux affaires, et après avoir fantasmé sur un sauvetage du site ArcelorMittal de Florange, le président de la République n’aura pas hésité à conseiller aux riches inquiets pour leur impôt de fuir au plus vite, et d’aller planquer leur magot sous des cieux plus cléments, afin d’échapper aux foudres de la gauche.

De même que le rouge excite les taureaux, la justice fiscale enfièvre les possédants. Il aura suffi que François Hollande propose l’instauration d’une tranche d’imposition à 75% sur les très hauts revenus (plus d’un million d’euros par an) pour déclencher un tir de barrage digne de la grande guerre, doublé d’un appel à l’exode. Interrogé sur France Inter, jeudi matin, le président de la République n’a pas hésité à expliquer qu’une telle mesure tenait de la confiscation, et qu’il ne fallait donc pas s’étonner si les personnes concernées préféraient fuir le pays.

En novembre 2009, Nicolas Sarkozy avait eu cette phrase, fortement inspirée de qui vous savez : « S’il y en a que ça gêne d’être en France, qu’ils ne se gênent pas pour quitter un pays qu’ils n’aiment pas ».  Le voilà qui reprend le même raisonnement en conseillant aux riches d’émigrer en emportant la patrie à la semelle de  leurs souliers, comme on disait des Versaillais fuyant la Révolution française. On saluera cette merveilleuse leçon de civisme, assénée par un homme qui aime à se revendiquer des valeurs de la France.

Sans surprise, le peloton UMP s’est installé dans la foulée idéologique du chef de l’Etat avec un bel enthousiasme. Ainsi le responsable des députés UMP, Christian Jacob, a-t-il énoncé le signe extérieur d’une « marxisation du PS ». Bernard Accoyer, président de l’Assemblée Nationale, a suspecté la gauche de vouloir « chasser de France les quelques riches qui peuvent y rester » (sic). Du côté du Modem, François Bayrou s’est inspiré de Michel Audiard pour lancer : « Le déconomètre fonctionne à plein tube ». Certains journalistes bien en Cour, tels Jean-Michel Apathie (RTL) et Dominique Seux (Radio France), se sont même transformés en procureurs pour dénoncer une idée digne, à leurs yeux, de l’inquisition fiscale.

On ne saurait trop conseiller à ces esprits embrumés de revenir sur terre. Jusqu’à preuve du contraire, la France ne souffre pas d’un excès de taxation des plus fortunés. C’est même plutôt l’inverse. Au fil des ans, les gouvernements (de gauche comme de droite, d’ailleurs) n’ont cessé de diminuer l’effort demandé aux plus aisés. Aujourd’hui, grâce à la mécanique des niches fiscales et des exonérations en tous genres, la progressivité de l’impôt est devenu un principe vide de sens. Plus on est riche, plus le taux de l’impôt est faible. La philosophie du rentier a triomphé. Les privilégiés du fric sont devenus des assistés du fisc.  

Il n’y aurait donc rien de scandaleux à remettre un peu d’ordre républicain là où a triomphé l’esprit de Liliane Bettencourt. La mesure proposée par François Hollande va dans ce sens, ni plus ni moins. Le nouveau taux frapperait de 3000 à 3500 foyers et rapporterait à l’Etat de 200 à 300 millions d’euros. Ce n’est donc pas la « nuit du 4 août » fiscal prôné par Jean-Luc Mélenchon, partisan d’instaurer un salaire maximum. Dans ce cas, pourquoi crier à la  « spoliation », comme on l’entend ici et là ?

Quand bien même ne s’agirait-il que d’un acte « moral », cela compterait, tant l’étalage de l’argent fou a quelque chose d’indécent.  Or, à chaque fois qu’il est question de mettre à contribution ceux qui passent à travers les mailles du filet, le chœur des pleureuses se mobilise, comme si l’instauration d’un minimum de justice fiscale était un crime de lèse majesté inspiré du bolchevisme pur et dur.

A ce compte-là, il faudrait d’office organiser le procès posthume de Franklin Roosevelt. Lorsque le père du « New Deal » est arrivé au pouvoir, en 1932, le taux fédéral d’imposition pour la tranche la plus élevée était de 25%. Il l’avait immédiatement porté à 63%, puis à 79% en 1936, et même à 91% en 1941, afin d’inciter les entreprises à opter pour l’investissement plutôt que le versement de dividendes. Ce niveau resta en vigueur jusqu’en 1964. Il faudra attendre la révolution néoconservatrice des années 80 pour que le taux supérieur descende en dessous de 70%. Pourtant les riches n’ont pas fini sous le pont de Brooklyn, et les Etats-Unis n’ont jamais été annexés par feu l’Union Soviétique.

Peut-être pourrait-on s’inspirer d’une démarche volontariste qui n’a rien perdu de sa pertinence. De ce point de vue, ce n’est pas tant la mesure proposée par François Hollande qui pose problème que le flou d’une réforme fiscale d’ensemble dont on voit encore mal les contours. Or, dans un pays frappé par la crise et l’explosion des inégalités, l’affrontement verbal avec les nantis ne suffit pas : il faut marier rigueur et justice, effort national et solidarité.
source marianne
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Commentaires
P
Voir "Sarkozy : j'aime le fric!" :http://www.youtube.com/watch?v=1hu81vTSvGY
grincheuxmarrant
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