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grincheuxmarrant
7 mars 2012

Le pacte anti-Hollande vu d'Allemagne : et s'il gagnait l'élection?

Si un « front européen anti-Hollande » existe bel et bien, c'est une immense erreur diplomatique selon notre chroniqueur associé Gilbert Casasus. Que deviendra l'entente franco-allemande si le candidat socialiste devient président de la République?

 

(François Hollande - CHAMUSSY/SIPA)
(François Hollande -
 
Démentie ou non, l’idée d’un « pacte européen anti-Hollande » constitue un faux-pas diplomatique sans précédent. Même le Ministre allemand des Affaires Étrangères, Guido Westerwelle, pourtant peu connu pour sa virtuosité en politique extérieure, avait « recommandé à tous les partis allemands de faire preuve de retenue (car) il ne doit subsister aucun doute sur le fait que l’Allemagne travaillera très bien avec tout gouvernement choisi par le peuple français »
 
Et si doute il y a, il est dû, une fois de plus, à la chancelière qui vient de prouver son manque d’élégance politique. Qu’elle soutienne Nicolas Sarkozy, personne ne peut lui en tenir rigueur. Qu’en revanche, elle bannisse François Hollande, que tous les sondages donnent pour l’instant vainqueur des présidentielles françaises, voilà qui est pour le moins cavalier, indélicat et profondément maladroit. Ses maladresses ne datent d’ailleurs pas d’hier. Pour preuve, son choix et son engagement personnels pour les deux seuls Présidents de la RFA à avoir respectivement démissionné de leur poste en 2010 et en 2012. L’un, Horst Köhler, car en désaccord avec le gouvernement fédéral, l’autre Christian Wulff, parce que soupçonné de corruption aggravée. S’assurer du soutien d’Angela Merkel ne semble décidemment pas être une bonne chose pour les hommes politiques, Nicolas Sarkozy devrait donc s’en méfier !

Au-delà de la polémique, cette affaire illustre à la perfection deux changements d’attitude auxquels l’Allemagne ne nous avait pas habitués. D’abord, elle n’accepte pas que l’on puisse lui faire face, voire qu’on lui dise non. Si Merkel ne veut pas de Hollande, c’est que Hollande ne veut pas du « Pacte budgétaire européen » de Merkel. C’est là non seulement le droit du candidat socialiste mais aussi son intérêt. En effet, marqué du sceau de la rigueur allemande, ce pacte, d’obédience conservatrice, répond beaucoup plus aux objectifs économiques et sociaux de la République fédérale qu’il ne le fait envers ceux de la France.
 
 En ce sens, Nicolas Sarkozy aurait dû mieux le négocier qu’il ne l’a fait. Puis, Merkel est la première chancelière à ne pas avoir voulu comprendre que la relation franco-allemande évolue indépendamment des préférences politiques de ses acteurs. Visiblement privée du sens de l’histoire, elle oublie que l’Europe doit beaucoup aux binômes Giscard d’Estaing/Schmidt et Mitterrand/Kohl, voire Chirac/Schröder, dont les appartenances partisanes n’étaient pas identiques. Alors que la complémentarité droite/gauche a très souvent servi « le tandem France/Allemagne », voilà que l’actuelle chancelière la répudie en amont, ne dégage aucune perspective à plus long terme et demeure cantonnée sur des certitudes qui pourraient fort bien être démenties par les faits d’ici quelques semaines.
 Adepte de la politique à courte vue, Angela Merkel se prépare au plus mal pour célébrer d’ici dix mois le cinquantenaire du « traité de l’Elysée » du 22 janvier 1963. Pouvant peut-être donner naissance à un nouveau texte entre la France et l’Allemagne, cette commémoration se présente sous les plus mauvais auspices. Sauf si la numéro un allemande change d’attitude et comprend enfin que l’amitié entre les deux pays ne s’arrête pas à celle entre la CDU et l’UMP !

Par sa propre faute, Angela Merkel a curieusement servi la cause de François Hollande. Placé dans une posture gaullienne, sans en avoir d’ailleurs fait la moindre demande, celui-ci lui a fort à propos rappelé que la France est « un grand pays » et « une grande nation ». En effet, seuls les Français choisissent librement leurs dirigeants. Par conséquent, ils n’ont pas besoin de conseils venus de l’étranger, non plus de ceux venus de la chancelière allemande. Grand mal lui a peut-être pris de s’immiscer dans la vie politique française. En cas de victoire de François Hollande aux présidentielles, elle se retrouvera face à un nouveau Président de la République, doté d’une forte légitimité  populaire et démocratique. Celui-ci aura alors beau jeu de lui remémorer son engagement au profit du candidat battu.

Qu’existe ou non un « front européen anti-Hollande », cette affaire pose la question du respect du pluralisme politique en Europe. Celle-ci n’a aucun intérêt à devenir monocolore. Dès les premières heures de l’intégration européenne, chrétiens- et sociaux-démocrates ont construit ensemble les murs d’un édifice certes fragile, mais qui a toutefois résisté contre vents et marées à toutes les crises, même aux plus graves d’entre elles. Au cœur de cette Europe communautaire, Français et Allemands ont également su surmonter leurs différences nationales de même que toutes leurs divergences partisanes. Un modus vivendi s’est installé entre la France et l’Allemagne. Pour préserver l’équilibre européen de leur relation, les deux pays ont toujours su tenir compte des choix politiques de leur voisin respectif. Malheur toutefois à celui ou à celle qui ne respecterait plus cette vielle règle, condition sine qua non  d’une bonne entente franco-allemande au service de l’Europe.
source marianne
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grincheuxmarrant
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