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grincheuxmarrant
31 mars 2012

Hollande raille Sarkozy, «chef de tout et responsable de rien»

Hollande raille Sarkozy, «chef de tout et responsable de rien»
François Hollande à son arrivée le 31 mars 2012 à Mayotte.
François Hollande à son arrivée le 31 mars 2012 à Mayotte.

 

DE NOTRE ENVOYéE SPéCIALE

En campagne à Mayotte, le prétendant à l'Elysée a fustigé «le candidat sortant», décrit comme un «grand prometteur mais avec de petits actes».

 

Rien de tel qu’une bonne nuit de 10 000 km d’avion et une arrivée dans la chaleur des îles pour retrouver son fighting spirit. A peine avait-il le pied posé à Mayotte – ou plutôt sur la barge «Salama Djema IV» qui relie Petite terre à Grande terre en fendant les eaux céladon – que François Hollande cogne sur Nicolas Sarkozy. Le président-candidat avait préparé un cadeau de bienvenue au socialiste : l’annonce dans un hebdomadaire local de l’indexation des traitements des fonctionnaires mahorais sur ceux des autres Dom-Tom, une revendication de longue date dans le 101e département de France. Un très joli coup puisqu’Hollande s’apprêtait vraisemblablement lui aussi à annoncer cette mesure lors de son meeting à Mamoudzou à la mi-journée.

Sauf que le chef de l’Etat est attendu mardi à La Réunion mais ne fera pas le crochet de Mayotte. Hollande s’engouffre dans la brèche : «Le candidat sortant a préféré faire une interview plutôt qu’un déplacement. Ce qui me surprend c’est qu’il a été obligé de le faire – ou plutôt de le dire parce qu’il ne l’a pas encore fait – au moment où j’arrivais. Rien que pour cela, mon déplacement aura été utile. Nous avons des conceptions différentes, il multiplie les promesses en fin de mandat mais que ne les a-t-il réalisées !»

Le collier de fleurs – jasmin et bougainvillée – bien accroché au coup, il continue sur le même mode. A Paris vendredi, son adversaire l’a accusé de ne vouloir être «chef de rien». Le boomerang repart de l’Océan indien. Pendant cinq ans, cingle Hollande, «le candidat sortant a tout confondu : chef de l’Etat, de la majorité, chef de parti et même chef d’entreprise. Mais il faut savoir de quoi on veut s’occuper. On ne peut pas être le chef de tout et responsable de rien.»  Le son a été refait pour que les caméras aient de jolies images. Mais quelques minutes plus tôt, entre deux bancs en bois de la barge, le député de Corrèze était allé encore plus loin, annonçant la couleur pour sa pratique de la présidence: «Je ne veux pas être un chef de clan.»

«Il ne défend pas un bilan, mais une promesse par jour»

«Ils veulent du viril, il faut leur donner du viril», plaidait vendredi un dirigeant socialiste, jusqu’alors dans le désert. Sur la place de la République, à quelques mètres de la mer, Hollande reprend son ton belliqueux devant plusieurs centaines de partisans. «Je ne suis pas un prometteur. Vous avez connu un grand prometteur mais avec de petits actes. Moi je suis venu vous dire que nous allons accélérer le rythme pour l’égalité», lance-t-il à la foule. «Tous les jours et même la nuit, (Sarkozy) fait de la promesse. Il ne défend pas un bilan, il défend une promesse par jour», ajoute-t-il, avant de prendre la foule à partie : «Ne me demandez pas des promesses. Demandez au candidat que je suis de tenir parole.»

Il fait cependant pas mal d’annonces dans la foulée : indexation des traitements des fonctionnaires, création de 600 classes au cours du prochain quinquennat, l’élargissement des Emplois jeunes à l’Outre-Mer ainsi que son «Contrat de génération» ou la revalorisation du RSA.

Hollande arrive à Mayotte pile pour le premier anniversaire de la départementalisation de l’île. Officialisée sous Sarkozy mais le processus a été «engagé il y a plus de dix ans par Lionel Jospin», souligne-t-il. Il a d’ailleurs emporté dans ses bagages le président de l’Association des départements de France, Claudy Lebreton, qui en est à son quatrième voyage mahorais.

Depuis qu’il a atterri à l’aéroport de Dzaouzi-Pamandzi, le candidat n’a que le mot République à la bouche. En nage – son staff a prévu six chemises pour une trentaine d’heures de visite – il s’enthousiasme de la «chaleur» dans laquelle il est reçu, «pas seulement du climat mais des hommes et des femmes qui attendent beaucoup de la République». «Nous sommes ici fiers d’être dans un département français et les Mahorais sont fiers d’être des citoyens français. La République est à Mayotte et Mayotte est dans la République», insiste le candidat un peu plus tard lors d’un point presse à l’hôtel Karibou – «bienvenue» en mahorais. «Ici, je ne regarde pas votre apparence, je regarde votre appartenance à la République», souligne Hollande, taclant une déclaration de Sarkozy sur les «musulmans d’apparence».

Chaque année, plus de 8.000 enfants naissent à Mayotte, devenue la plus grande pouponnière et le département le plus jeune de France. Un passage obligé pour celui qui a fait de la jeunesse le principal pilier de son projet présidentiel. Mais c’est la question de l’immigration qui sous-tend tous les discours publics sur l’île. De très nombreuses Comoriennes, venues de l’archipel indépendant voisin dans des embarcations de fortune, les kwasa-kwasa, viennent accoucher à Mayotte pour que leur enfant soit français. Des clandestins – on parle d’un tiers de la population locale – vivent et travaillent dans des conditions déplorables. Et le centre de rétention administrative (CRA) n’a toujours pas été rénové malgré les appels renouvelés du contrôleur général des prisons.

«Plus de moyens pour lutter contre l'immigration»

Hollande n’aborde pas la question de son propre chef. Et quand on lui demande comment faire évoluer cette situation, il ne se risque qu’à petits pas. «La pression est très forte, il y a continuellement des gens qui veulent venir ici, constate le candidat du PS. Il faut régler cette question avec à la fois des contrôles indispensables mais avec la dignité qui s’attaque à chaque être humain. Ne pas accepter le CRA tel qu’il est.» Il prône, sans plus de précision, «plus de moyens financiers et humains» pour lutter contre l’immigration illégale mais aussi «le développement des Comores voisines au plan de la santé» pour endiguer le flot de clandestins.

A sa descente d’avion, protégé du soleil par de grands parapluies à carreau, Hollande a été happé par deux orchestres de femmes, jouant du m’biwi, des grandes castagnettes locales faites en bois qui diffusent comme un étrange concert de criquets. Elles chantent Padra M’lima («Grimpez la montagne») pour encourager l’arrivant. Toutes sont vêtues de la tenue traditionnelle, le Salouva, qui ressemble à un sari indien.

La compagne du candidat, Valérie Trierweiler, lunettes fumées et ensemble beige, se retrouve promptement rhabillée en couleur locale. Les photographes s’en donnent à cœur joie. Début janvier, le voyage du candidat socialiste aux Antilles avait été plombé par la perte du triple A français. Toute la visite s’était déroulée de halls d’hôtels en tables rondes, sans que jamais le cœur caraïbe y soit. «Karibou bwana président !», lui lance le président de son comité de soutien sur la place de la République, à dix mètres de la mer. «Kwezi waa mahore», («bonjour les Mahorais»), lui répond Hollande en montant sur la tribune les bras levés. La chemise, blanche cette fois, est déjà trempée. Dans la dernière ligne droite, Hollande semble prêt à tout donner.

source libération

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