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grincheuxmarrant
16 avril 2012

La Concorde, dernier mirage à droite

La Concorde, dernier mirage à droite
Nicolas Sarkozy, place de la Concorde le 15 avril.
Nicolas Sarkozy, place de la Concorde le 15 avril.
 

En réponse au rassemblement du PS à Vincennes, Nicolas Sarkozy tenait meeting, hier, à Paris. Mais la manifestation n’a pas surpris par son ampleur, et le doute s’installe dans son camp.

En France, la droite n’aime pas prendre la rue. Quand elle y descend, c’est qu’il y a péril en la demeure. Celle de Nicolas Sarkozy vacille. Pour montrer que ses fondements sont solides et entretenir l’idée que rien n’est joué, il avait convoqué hier sa «France silencieuse» place de la Concorde à Paris, comme de Gaulle avait fait défiler la «majorité silencieuse» sur les Champs-Elysées pour clore Mai 68. Mais la levée en masse espérée par l’UMP n’a pas eu lieu (lire page 4). Et le doute gagne les militants comme le clan sarkozyste.

Un ultime baroud d’honneur au moment où la gauche, dopée aux sondages, ne semble plus guère douter de sa victoire ? Dans cette bataille où la psychologie des protagonistes pèse lourd et où les indécis sont encore légion, Sarkozy ne lâche rien. Il ne dévie pas de son cap à droite toute, persuadé que son salut électoral se trouve chez «ceux qui n’ont pas la parole, qui ne demandent rien», comme il l’a clamé hier. A ce «peuple de France qui dit "ça suffit"», le candidat UMP a lancé un SOS : «Prenez votre destin en main, dressez-vous, prenez la parole, dites ce que vous avez sur le cœur, ce que vous voulez pour votre pays, dites-le haut, dites-le fort, dites-le maintenant. Peuple de France, n’ayez pas peur, ils ne gagneront pas si vous décidez que vous voulez gagner.»

Pour s’assurer que ses paroles seraient bien diffusées en direct sur les chaînes d’info en continu, Nicolas Sarkozy a fait preuve d’une puérilité qui résume assez bien sa fragilité actuelle : il a avancé d’une demi-heure le début de son intervention sur l’horaire prévu, afin de griller son adversaire socialiste. Résultat, François Hollande a été diffusé en différé, après le chef de l’Etat (lire page 9).

Napoléon. Pour donner de la hauteur à son propos, le Président a convoqué comme aux plus belles heures de sa campagne de 2007 les grandes figures de la République (Napoléon, de Gaulle, Hugo, Césaire…). Armé d’un discours très conservateur exaltant «l’héritage de la France éternelle» que la gauche s’apprêterait à «dilapider», Sarkozy s’est ni plus ni moins posé en «héritier» de Napoléon et de De Gaulle. La seule nouveauté de son discours a été une immense concession à… François Hollande. Pendant des semaines, le président-candidat ne perdait pas une occasion de dénoncer l’irresponsabilité socialiste à vouloir ajouter «un volet croissance» au traité européen de stabilité. Hier, cela ne l’a pas empêché de se faire l’avocat de la cause de la croissance en Europe : «Si les Français me renouvellent leur confiance […], je mettrai la même détermination à faire avancer l’Europe de la croissance que celle que j’ai mise à combattre la crise financière et à sauver l’euro. Il ne doit pas y avoir de sujets tabous, il ne doit pas y avoir de sujets interdits.» Alors qu’il avait promis à Angela Merkel de geler le débat sur le rôle et le statut de la Banque centrale européenne, il déclare maintenant «vouloir poser le problème du rôle de la BCE du soutien dans la croissance». Sarkozy aurait voulu donner des munitions à ses adversaires qu’il ne s’y serait pas pris autrement…

La semaine dernière déjà, il avait reconnu que le système allemand d’encadrement des loyers était «une bonne idée», alors qu’il n’avait pas cessé de critiquer la proposition socialiste «d’encadrer par la loi les loyers dans les zones où les prix sont excessifs». C’est à l’image de cette fin de campagne : sans queue ni tête. Ni allant. L’entourage de Sarkozy avait théorisé le candidat cogneur, amateur de «bourre-pif». Pour se rendre compte (trop tard ?) que le candidat était en train de dilapider le petit capital d’image de président, qu’il avait péniblement reconstitué depuis un an. A la Concorde, il n’a donc pas cité une fois son adversaire socialiste et choisi d’oublier ses gimmicks de campagne : la burqa, les horaires de piscine et cette immigration qui met en péril notre modèle social. Comme s’il repartait de zéro.

Fébrilité. Depuis que les sondages ont enregistré l’arrêt brutal de sa remontée, le candidat tente de se rattraper aux branches du chef de l’Etat. Jeudi, il invite (une première) trois journalistes à sa vidéo conférence avec Barack Obama. Samedi, entretenant l’ambiguïté jusqu’au paroxysme, il offre aux harkis ce qu’il avait promis (déjà) en 2007 mais oublié depuis : «Les excuses de la France.» Et, ce matin, il préside la cérémonie d’enterrement de Raymond Aubrac (lire ci-contre). Le rassemblement de la Concorde devait être celui de l’union nationale. Celle qui devait conduire, dans l’entre deux tours, à un rapprochement avec François Bayrou. Mais, signe d’une extrême fébrilité, Alain Juppé annonce dès mardi que le patron du Modem ferait un bon Premier ministre. Sarkozy fulmine contre Juppé, mais confirme l’appel du pied, jeudi soir sur France 2. Non, décidément, rien dans cette fin de campagne ne fonctionne correctement. Sans que l’on sache encore si c’est le signe d’une défaite chaque jour un peu plus annoncée. Ou sa cause.

source libération

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grincheuxmarrant
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