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grincheuxmarrant
24 avril 2012

Nicolas Sarkozy, accro aux craques

Nicolas Sarkozy, accro aux craques
 
 

Analyse Pour discréditer un adversaire, parer une attaque ou arranger son bilan, le président-candidat multiplie mensonges et promesses fantômes.

Sur France Inter, mardi, il a tempêté : «Mensonge éhonté !» Sur BFM TV, hier, il s’est indigné : «C’est grotesque ! Grotesque !» Par deux fois, Nicolas Sarkozy a démenti mordicus avoir envisagé de fournir une centrale nucléaire à la Libye. «Il n’a jamais été question de vendre une centrale à monsieur Kadhafi.» Sauf que si. Que ce n’est pas un secret. Qu’il existe moult documents et déclarations prouvant l’inverse. Un mémorandum d’entente signé en juillet 2007 prévoyait d’«œuvrer conjointement en vue de la réalisation de projets de production d’énergie nucléaire et de dessalement d’eau [en Libye], ainsi que d’autres projets de développement liés à l’utilisation pacifique de l’énergie atomique».

Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, affirmait en 2008 qu’il n’y avait «aucun obstacle à ce que ce projet se réalise, dans la mesure où la Libye respecte tous les traités internationaux sur la sûreté nucléaire et sur le contrôle des installations nucléaires». En octobre 2010, Christian Estrosi, ministre de l’Industrie et fidèle du Président, jouait les VRP en Libye pour promouvoir «une coopération stratégique dans les domaines du transport, de la santé, de la construction, des hydrocarbures et de l’énergie nucléaire civile».

Hier matin, sur BFM TV, le journaliste Jean-Jacques Bourdin a ressorti les pièces du dossier à Nicolas Sarkozy, citant les déclarations, rappelant ces accords passés. Cinq longues minutes d’accouchement au terme desquelles le président-candidat a fini par concéder, entre tentative de pirouette et semi-aveu, qu’il avait bien été question de fournir une usine de dessalement… avec un «moteur nucléaire».

L’épisode est édifiant d’une campagne placée sous le signe du mensonge décomplexé. Car si la plupart des candidats, de la gauche à l’extrême droite, racontent des bobards - notre rubrique Désintox s’en fait régulièrement l’écho (1) -, aucun ne pratique l’intox avec un tel systématisme. Le contraste est d’autant plus troublant que Sarkozy martèle à longueur de meetings son amour de la vérité. «Aidez-moi à faire triompher la vérité contre le mensonge», haranguait-il lors de ses premières réunions publiques.

Vague. Et pourtant, que de bobards : chiffres gonflés, programme du PS caricaturé, contre-vérités répétées en boucle. Sans qu’aucun démenti n’ait le moindre effet. Un jour, pour mieux dénoncer les liens entre la CGT et les communistes, Sarkozy dénonce la présence de Bernard Thibault au sein du «bureau politique» du PCF. Peu importe que le secrétaire général de la CGT ait quitté les instances du parti il y a dix ans. Un autre jour, pour mieux railler les supposées approximations de Hollande, il affirme s’être rendu à Fukushima et avoir «vu» les dégâts causés par la vague. Un mensonge qu’il finira par concéder - «Je ne suis pas ingénieur, je n’ai pas besoin d’aller mettre le nez dans la situation à Fukushima», dira-t-il sur i-Télé.

Et puis il y a les mensonges du quotidien, répétés continuellement, comme sur le pouvoir d’achat. Au départ, c’est un élément de langage sur le bilan de la majorité, distillé par la droite depuis plusieurs semaines, qui évoque une hausse de 1,4% par an du pouvoir d’achat des Français pendant la crise. Ce qui est une lecture trompeuse des statistiques de l’Insee. Depuis son entrée en campagne, Sarkozy complète ce bobard en ajoutant que la France est le «seul pays d’Europe» à s’en sortir aussi bien. Ce qui n’est pas vrai (Libération du 10 mars). Le 18 mars, lors de l’émission Capital, sur M6, le journaliste fait à son tour remarquer au chef de l’Etat que l’augmentation du pouvoir d’achat concerne aussi «la Belgique, la Suède et la Finlande».

 Miracle, le Président admet son erreur : «Sur 27, alors disons 3… Mais dans les grands pays, il n’y a que la France…» Cela ne l’empêche pas de répéter depuis, et encore hier matin, que «la France est le seul pays d’Europe où, pas une année dans cette crise, le pouvoir d’achat n’ait augmenté». Même procédé à propos de la croissance de la France, dont Sarkozy affirme aussi, contre les statistiques, qu’elle est le seul pays de l’OCDE à n’avoir pas connu un seul trimestre de récession depuis 2009.

Besace. Le PS n’est pas traité avec davantage de rigueur. Les socialistes, dans la rhétorique sarkozienne, sont ainsi accusés de vouloir supprimer le quotient familial. Alors que le projet de Hollande vise simplement à baisser le plafond. Le même Hollande est soupçonné de n’avoir pas le courage de dire comment sera financée la réforme des retraites… alors que le projet du PS précise depuis janvier que le financement se ferait via une augmentation des cotisations salariales et patronales…

Le socialiste voudrait aussi régulariser «tous les sans-papiers». Son programme ne dit rien de tel, qui évoque des régularisations au cas par cas selon des critères transparents. Et quand un journaliste, cette semaine, le fait remarquer à Sarkozy, celui-ci sort un autre mensonge de sa besace : «Dans l’accord que François Hollande a signé avec Eva Joly, il a prévu la régularisation de tous les sans-papiers. Tous.» Ce que ne dit pas l’accord en question.

Et que dire des promesses fantôme ? Sarkozy a ainsi repris la vieille intox de Marine Le Pen dénonçant le fait que des étrangers depuis peu en France puissent bénéficier, à condition d’avoir 65 ans, du minimum vieillesse et jouir de prestations supérieures à celles servies aux Français les plus modestes, petits retraités ou veuves d’agriculteurs. Faux. Non content d’établir un diagnostic erroné, il propose des solutions… déjà en place. A longueur de meeting, il a soulevé les vivats du public en affirmant qu’il n’accepterait pas que les étrangers puissent toucher le minimum vieillesse sans pouvoir justifier de dix ans de résidence sur le territoire français. Ce qui est déjà le cas. Sarkozy n’y changera rien.

Pas plus qu’il n’augmentera de 1 000 euros le pouvoir d’achat des smicards, comme il l’affirme, avec son projet de réduction des «charges salariales» : il omet de dire que ce gain sera compensé à la baisse par la suppression de la prime pour l’emploi. Au final, les Français concernés gagneraient une centaine d’euros. Sur France 2, début mars, lors d’un débat, Laurent Fabius avait dénoncé cette présentation malhonnête. Sarkozy avait ironisé, sourire aux lèvres : «Je n’ai pas dit cela. Vous avez eu une petite absence.» Pourtant, un mois plus tard, il répétait sa promesse. Mieux, il l’écrivait, noir sur blanc, dans sa Lettre au peuple français.

source libération

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