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grincheuxmarrant
20 mai 2012

Jean-Marc Ayrault : «Plus l’appui des citoyens sera fort aux législatives, plus nous pourrons agir»

Jean-Marc Ayrault dans les jardins de Matignon, le 17 mai 2012.
 
Jean-Marc Ayrault dans les jardins de Matignon, le 17 mai 2012.
 
Interview Jean-Marc Ayrault, Premier ministre depuis mardi, affiche l’ambition du gouvernement de relancer la croissance pour sortir l’Europe de la crise. Et se pose en chef de la majorité pour les scrutins des 10 et 17 juin.
Recueilli par Lilian Alemagna et François Wenz-Dumas

Au lendemain de son premier Conseil des ministres, Jean-Marc Ayrault a reçu vendredi Libération et Ouest-France à l’hôtel Matignon, pour sa première interview de chef du gouvernement. Il déjeunait ensuite avec Martine Aubry pour parler des élections législatives.

Comment abordez-vous la situation de la Grèce qui devient de plus en plus préoccupante ?

Le président de la République, dès son élection, a pris tout de suite les contacts nécessaires avec les dirigeants européens et internationaux dans l’objectif de préparer les grands rendez-vous. La situation de la Grèce et des autres pays de la zone euro a été abordée lors de sa première visite chez la chancelière, Angela Merkel. Nous sommes préoccupés mais nous faisons tout pour sortir de cette crise en réorientant l’Europe vers une politique de croissance. C’est un signe qui doit être adressé à tous les Européens qui s’inquiètent d’une politique d’austérité généralisée. Il y a un climat d’incertitude qui pèse et qui conduit en Grèce à la panique bancaire et l’instabilité politique. Il faut y répondre en aidant ce pays à retrouver des perspectives de croissance. Les fonds structurels doivent par exemple être mobilisés. La souffrance économique et sociale des peuples conduit à l’échec.

Mais c’est un objectif à moyen terme. Là, il y a urgence… Les Grecs retirent leurs avoirs des banques : ne faut-il pas convoquer d’urgence un sommet européen ?

Il aura lieu mercredi. Lors du sommet informel des chefs d’Etat et de gouvernement auquel prendra part François Hollande. Une réunion indispensable convoquée dans l’urgence au cours de laquelle le chef de l’Etat évoquera son mémorandum sur le pacte de responsabilité, de croissance et de gouvernance que nous souhaitons pour l’Europe. Toutes les questions - financière, système bancaire, croissance, protection - doivent être mises sur la table. Des signes forts doivent être donnés au peuple grec, et au-delà à tous les Européens.

Une des solutions n’est-elle pas de permettre à un Etat comme la Grèce d’emprunter directement auprès de la BCE ?

Cela fera partie des discussions. Il n’y a aucun sujet tabou. L’objectif est d’ouvrir un chemin pour sortir de la crise sans étrangler les peuples. François Hollande a eu raison dans sa campagne. Il a depuis fait bouger les lignes. Ce n’est pas gagné. La discussion est difficile. C’est pour cela que les Français doivent confirmer aux législatives le choix du 6 mai : celui du changement en France et en Europe. Plus l’appui politique des citoyens sera fort aux législatives, plus nous pourrons agir.

N’est-ce pas un handicap d’avoir au Quai d’Orsay deux ministres ayant défendu le non au traité constitutionnel européen en 2005 ?

Nous sommes en 2012. Dès 2005, j’avais appelé à dépasser le oui et le non. Nous l’avons fait. Nous sommes tous des Européens convaincus. Tous les socialistes ont la volonté de relancer le projet européen. C’est-à-dire celui d’un continent - je le rappelle - qui est la première puissance économique et commerciale du monde ! L’Europe doit retrouver une ambition. Nous partageons tous cette vision.

Dans cette bataille des législatives, quel partage des rôles y aura-t-il entre vous et la première secrétaire du PS ?

Martine Aubry est première secrétaire du Parti socialiste. Elle va mobiliser. Elle le fera en étroite concertation avec moi en tant que Premier ministre et chef de la majorité. Nous allons servir chacun dans notre rôle et mettre en commun nos forces pour donner une majorité au Président. C’est la condition pour mettre en œuvre les 60 propositions de François Hollande et voter de nouvelles lois. C’est l’intérêt de la France de disposer d’une large majorité, cohérente et solide. L’UMP ne peut pas avoir voulu une «France forte» et tout faire maintenant pour l’affaiblir en proposant une situation de blocage institutionnel.

Souhaitez-vous des ministres communistes dans votre gouvernement ?

Nous souhaitons la majorité la plus large. Tous ceux qui souhaitent mettre en œuvre avec nous le projet présidentiel sont les bienvenus.

Les prévisions de croissance sont en baisse : comment allez-vous tenir l’équilibre entre dépenses importantes et rigueur budgétaire ?

J’ai demandé au premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, de présenter au gouvernement un rapport sur l’exécution de la loi de finances 2012 et un état précis des comptes publics. Je souhaite qu’il nous parvienne avant le 1er juin. Pour chaque dépense nouvelle, il y aura une économie équivalente. L’objectif est d’atteindre un déficit public zéro à la fin du quinquennat. Mais nous ne l’atteindrons pas seulement par des économies, il faut aussi relancer la croissance.

Comment ?

En mettant en œuvre nos engagements : pacte productif, formation professionnelle et éducative, mobilisation de l’épargne vers l’innovation et les PME, création d’une banque publique d’investissement. Et les mesures décidées au niveau européen doivent aussi contribuer à la croissance française : fonds structurels, projets d’eurobonds, soutiens de la Banque européenne d’investissement… Nous voulons remettre en mouvement la société en associant tous les acteurs. La méthode de ce gouvernement sera : on discute, on se concerte, on négocie et, lorsque c’est nécessaire, on arbitre.

Ce qui vaut aussi pour Vincent Peillon ? Est-il allé trop vite en annonçant le retour à la semaine de cinq jours ?

Je fais toute confiance à Vincent Peillon de mettre en œuvre une des grandes priorités du président de la République. L’ancien gouvernement a brutalement décidé la modification des horaires des élèves en primaire. Les parents et les enseignants savent que la question des rythmes est au cœur de la réussite éducative. Nous devons traiter cette question. Mais il y a une méthode pour changer les choses, à la différence du précédent gouvernement : la concertation. Viendra ensuite le temps des arbitrages, c’est ce qu’a indiqué Vincent Peillon.

Pourquoi avoir inventé un ministère de la Réussite éducative ?

J’ai été très étonné des réactions sur ce point… C’est l’indication d’une volonté qui mêle la lutte contre l’échec scolaire, l’association des parents, l’accompagnement scolaire… Il y a aussi un travail important à faire avec les collectivités territoriales, les élus locaux et les acteurs associatifs. On a aussi ironisé parce qu’un ministère s’occupe d’«Education populaire». Certains ont dit «c’est archaïque». C’est bien mal connaître la France ! Des millions de citoyens engagés travaillent dans ce secteur associatif ! Et tous ces gens-là demandent à être mis en mouvement !

Quelles vont être les premières mesures prises par votre gouvernement ?

Nous avons voulu marquer le début de ce quinquennat par la manifestation de notre exemplarité. Mercredi, tous les ministres ont signé une charte de déontologie et accepté de baisser leurs rémunérations de 30%. Une loi sera votée pour baisser mon salaire et celui du président de la République, mais nous avons donné des instructions à nos services pour que cette baisse soit appliquée dès maintenant. Les prochains engagements seront l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire de 25%, une caution permettant aux jeunes d’accéder à la location sans passer par la garantie parentale, une garantie pour l’épargne défiscalisée avec une rémunération supérieure à l’inflation et le doublement du plafond du Livret A et du Livret épargne-industrie, successeur du Livret développement durable, pour financer le logement social, le développement des PME et l’innovation.

Le retrait des troupes d’Afghanistan sera confirmé par le président de la République au sommet de l’Otan. Le lancement d’un nouveau livre blanc sur la défense sera engagé. L’abrogation de la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers sera également décidée. Nous préparons aussi un décret sur l’éventail maximal de 1 à 20 pour les rémunérations des dirigeants des entreprises publiques. J’adresserai également une lettre à tous les fonctionnaires pour leur rappeler la confiance que le gouvernement leur accorde. Nous n’appliquerons pas une politique aveugle comme la RGPP [Révision générale des politiques publiques, ndlr], mais nous vérifierons les objectifs, secteur par secteur, pour améliorer l’efficacité de l’action de l’Etat et des services publics.

Et une nouvelle loi sur le harcèlement sexuel ?

Oui. La ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, l’a déjà annoncé à juste titre. Nous sommes en train de préparer une nouvelle législation en matière de harcèlement sexuel.

Y aura-t-il une réforme du marché du travail ?

Un des premiers sujets que nous aurons à aborder dans l’agenda social, avec les partenaires sociaux, c’est le travail et l’emploi. Il y aura aussi la question de la formation et de l’emploi des jeunes, avec le contrat de génération. Et puis la question salariale qui ne peut être absente de la négociation.

Quel sera le calendrier de cette négociation ? Une date est-elle fixée ?

Nous commencerons très vite par une conférence avec les partenaires sociaux sur la méthode. Elle aura à définir notamment le calendrier social. Nous espérons arrêter l’ordre du jour et l’agenda de cette conférence sociale suffisamment vite. Immédiatement, Marisol Touraine [Affaires sociales et Santé] va lancer la concertation sur le décret sur les retraites pour ceux qui ont leurs années de cotisation à 60 ans.

C’est Marisol Touraine qui pilote les questions de retraites ?

Pour le décret que je viens d’évoquer et qui est une mesure d’urgence, oui. Ensuite, pour la conférence sociale, il y a trois ministres concernés : les Affaires sociales avec Marisol Touraine, Michel Sapin pour le Travail et l’Emploi, et Marylise Lebranchu pour la Fonction publique.

Sur le Smic, cela veut dire qu’il n’y aura pas de coup de pouce avant juillet et la conférence de méthode ?

Laissez-nous quand même quelques jours pour fixer le calendrier. Nous n’en sommes qu’aux premiers rendez-vous avec les partenaires sociaux.

Mais il y a des urgences, des plans sociaux en cours…

Nous avons l’idée d’une loi qui obligerait les grands groupes industriels à chercher un repreneur quand ils veulent se séparer d’une activité. Il faut en débattre avec les partenaires sociaux. Mais pour faire voter cette loi, il faut commencer par avoir une majorité parlementaire…

Et la loi sur le vote des étrangers aux élections locales, qui la portera ?

S’agissant d’une réponse constitutionnelle, comme l’a rappelé François Hollande lors du débat de l’entre-deux-tours, il faudra une majorité des trois cinquièmes pour adopter cette mesure. Si nous ne la trouvons pas, il faudra faire trancher les Français par référendum.

On a noté qu’il n’y avait pratiquement pas de ministre issu de la société civile. Pourquoi ce choix ?

Effectivement, les membres du gouvernement sont tous ou presque des élus. Nous ne nous sommes pas interdits de faire appel à d’autres expériences, mais l’idée était d’avoir en priorité des gens qui se sont confrontés au suffrage universel. Il y a une vraie diversité de parcours dans cette équipe gouvernementale qui étonnera par son audace et son dynamisme. Pour les Français, c’est un peu d’air frais. Tout le monde n’est pas formaté, prisonnier des mêmes schémas technocratiques. Il y a une vraie diversité d’expériences.

Que se passera-t-il si un ministre ne respecte pas la charte de déontologie ?

C’est très simple : il quitte le gouvernement

source libération

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