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grincheuxmarrant
16 juin 2012

Dahan a-t-il eu raison de pièger Morano?

Discussion animée, ce matin, en conférence de rédaction, un peu avant et encore après, autour du

canular téléphonique de Gérald Dahan – qui, se faisant passer pour Louis Aliot, le numéro 2 du Front national, a téléphoné à Nadine Morano, ex-ministre, figure de la Sarkozie, candidate UMP en ballottage défavorable en Meurthe-et-Moselle, visiblement à cran et, comme le confirme la conversation bidon diffusée chez nos confrères de Sud-Radio, prête à de sérieuses compromissions idéologiques pour sauver son siège.

Objets du débat: Dahan a-t-il eu raison d’avancer masqué? A-t-il fait oeuvre de journaliste ou d’humoriste? A-t-on raison de traiter ce sujet comme un fait politique?

Thèse: oui, Gérald Dahan a bien fait. Certes, sur la forme, la méthode est discutable, mais le fond est tellement grave qu’elle, la méthode, est tout ce qu’il y a de plus justifiée. Une candidate qui s’assoit aussi éhontément sur les valeurs et les consignes de son parti, il faut le faire savoir, peu importe comment. La fin justifie les moyens.

Antithèse: non, Gérald Dahan, qui est un amuseur, n’a pas à faire le travail d’un journaliste (travail qui, en l’occurrence, ne fait rire personne, alors que c’est sa raison d’être), a fortiori en utilisant un procédé que la déontologie réprouve – selon notre Good Book, un journaliste doit toujours avancer démasqué. Circonstance aggravante: les médias voraces se sont jetés sur l’info ainsi générée comme… un candidat de la droite républicaine aux abois sur ses électeurs frontistes, lui donnant un impact et un statut qui naviguent largement au-delà du cercle des amuseurs.

L’air de rien, la question agace la profession depuis longtemps. En France, elle se pose à chaque fois que la télévision diffuse un reportage en caméra cachée. Elle nous a agités quand Florence Aubenas, intègre parmi les intègres, a manié anonymement la serpillière pendant des mois pour témoigner, dans Le Quai de Ouistreham, de la condition insupportable des femmes de ménage. Ou, plus proche de l’affaire du jour, plus anecdotique aussi, quand nous ou d’autres avons repris, pour nous en amuser, des confidences extorqués à l’insu de leur plein gré à un joueur de foot ou à une star du cinéma par un Lafesse ou un Laurent Bafie.

Mon avis? Normand.

En tant que citoyen, je me réjouis de voir ainsi dévoilée une stratégie politique de rapprochement avec le FN dont on peut penser ce qu’on veut mais qui, en tout état de cause, dresse un portrait plus franc d’une putative représentante de la Nation à l’Assemblée nationale. Au moins, ses électeurs savent pour qui ils votent.

En tant que journaliste, je réprouve – ou plutôt: je ne l’aurais pas fait. A L’Express, nous avons refusé des enregistrements privés réalisés sans l’accord des intéressés, et continuerons à les refuser. Et les journalistes de L’Express se présentent avec leur carte de presse sur le front quand ils travaillent sur le terrain, quitte à manquer l’exclu qui tue – ou à se faire bousculer par des gros bras.

En tant que rédacteur en chef, je ne pouvais pas, ce matin, négliger l’imposture – parce que je suis un citoyen, parce que l’information nous a paru suffisamment importante pour passer outre mes réticences, parce que je ne suis pas un pur esprit et que tous nos confrères et néanmoins concurrents en ayant fait leurs choux gras, il était hors de question de les laisser se partager le gâteau, parce qu’enfin, sur Internet, laisser filer une info pareille, quand elle est partout, commentée, enrichie, développée, c’est faute.

Manière détournée de dire que, somme toute, Dahan a eu raison.

source l'express

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grincheuxmarrant
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