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grincheuxmarrant
4 juillet 2012

Europe : la fin du face à face franco-allemand

Pour notre chroniqueur associé Gilbert Casasus, si les véritables gagnants du sommet européen des 28 et 29 juin sont les dirigeants espagnol et italien, la France incarnée par Hollande a joué juste en se mettant au carrefour des intérêts nord-sud. Un premier aperçu de l'identité nouvelle que le président socialiste souhaite donner à la France dans une Europe qui ne souhaite plus être gouvernée par un duo Paris-Berlin.

 

(François Hollande en clôture de sommet - DENIS CLOSON/ISOPIX/SIPA)
(François Hollande en clôture de sommet -
Sur le plan purement comptable, François Hollande ne devrait pas trop se féliciter du résultat obtenu lors du dernier sommet européen de Bruxelles des 28 et 29 juin 2012. Les termes de l’accord lui sont moins favorables que les déclarations officielles le laissent entendre. Les eurobonds sont renvoyés à plus tard et le pacte de croissance ne fait que reprendre les dépenses d’ores et déjà prévues par l’agenda européen. De plus, le Président de la république n’est pas le vainqueur de ce sommet, comme le sont respectivement l’Espagnol Mariano Rajoy et surtout l’Italien Mario Monti.

Ce dernier, ancien Commissaire européen aguerri aux jeux des négociations de l’UE, a véritablement survolé les débats. A contrario des années de galère auxquelles nous avait habitués son prédécesseur Silvio Berlusconi, il a redoré l’image de l’Italie. Après avoir réuni, quelques jours plus tôt à Rome, ses homologues allemande, espagnol et français, il a démontré qu’il fallait désormais recompter avec l’Italie qui, rappelons-le, est l’un des six pays fondateurs de la construction européenne. De concert avec le Président italien Giorgio Napolitano, un ancien «communiste», il a su utiliser à merveille l’art de la stratégie du faible au fort.

Parce que pas totalement «forte», mais en aucun cas «faible», la France avait un autre rôle à assumer que celui qui incombait à l’Espagne et à l’Italie. Elle ne devait ni s’assimiler à ces deux voisins ibérique et transalpin, ni s’exposer comme le plus fidèle des partenaires de l’Allemagne. En se situant au carrefour des intérêts des Etats du Sud et de ceux du Nord, la France a joué juste. Par ailleurs, elle a adopté une autre posture que celle qui jusqu’à présent guidait son attitude au sein du tandem franco-allemand. Peut-être, est-ce là ni plus ni moins, l’amorce d’un tournant historique qui mérite réflexion. Un regard sur 50 ans de relations franco-allemandes permet d’ailleurs de s’en convaincre.

De Adenauer à Merkel

Avec pour volonté de sceller la réconciliation entre leurs deux peuples, le Général De Gaulle et le chancelier Adenauer ont été les premiers à renouer les liens de la coopération franco-allemande. Puis, abstraction faite des rapports souvent conflictuels entre Georges Pompidou et Willy Brandt, Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt reprirent le flambeau du partenariat France/Allemagne. 

En parfait accord sur de nombreux points, ils avaient facilement trouvé le dénominateur commun de leur action binationale : alors que la gestion du politique et de la diplomatie revenait à Paris, Bonn donnait la priorité à l’économie et au social. Leurs deux successeurs, François Mitterrand et Helmut Kohl, ont, quant à eux, certainement écrit les plus belles pages du livre franco-allemand pour l’Europe. Leur seule et unique philosophique reposait sur «le donnant-donnant», sur la solidarité entre les deux pays, est-ce à l’heure de la crise des missiles et de la rigueur socialiste en 1983 ou, après avoir aplani leurs divergences, lors de l’unité allemande ou de la création de l’euro, prévue par le traité de Maastricht. 

De divergences, il en fut également question entre Jacques Chirac et Gerhard Schröder, avant que, presque isolés en Europe, ils ne se soient retrouvés ensemble à condamner et avec raison la guerre d’Irak. En dernier lieu demeurent Angela Merkel et Nicolas Sarkozy dont l’amitié ne devint réalité qu’à l’époque où l’ancien Président de la république, par force ou par conviction, se résolut à faire du suivisme à l’égard d’une chancelière allemande qui avait pris l’ascendant sur son homologue français.

Par devoir de rupture, mais aussi par nécessité politique, François Hollande devait prouver qu’il n’y aurait pas de «Merkhollande» après ladite «Merkozy». Toutefois est-il obligé de tenir compte des nouveaux rapports de force en Europe et des difficultés économiques auxquelles son pays est confronté. Une opposition forte et durable contre l’Allemagne n’a donc aucun sens, tout comme une trop grande solidarité envers des Etats amoindris par une crise qu’ils ont rarement gérée comme ils auraient dû le faire. Le Président de la République se trouve ainsi dans une position délicate qu’il peut néanmoins retourner à son avantage. 

Aujourd’hui, ni en situation d’égal à égal avec une République fédérale fort différente de celle années lumières de la coopération franco-allemande, ni en coéquipier de luxe d’un leader berlinois, il se forge une identité propre au sein d’une Europe qui ne veut plus se laisser diriger par le seul tandem Paris-Berlin.
         
Signe avant-coureur de cette nouvelle attitude française, les efforts déployés par François Hollande lors du dernier sommet de Bruxelles laissent augurer un nouveau chapitre européen de la relation franco-allemande. De moins en moins rédigé à quatre mains par le Président de la République française et par la ou le chancelier-e-, celui-là accordera à chacun des deux acteurs une autonomie autre que celle à laquelle les Français et les Allemands s’étaient accoutumés depuis 50 ans. Ce n’est ni un bien, ni un mal, mais le résultat d’un processus historique qu’il convient désormais de prendre en compte. D’un processus, où François Hollande devrait se sentir très à l’aise, lui qui aime endosser l’habit du médiateur qui lui sied si bien, lui pour lequel rien n’est plus avantageux que d’être au diapason d’une politique extérieure et européenne d’une France charnière entre le Nord et le Sud.
source marianne
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grincheuxmarrant
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