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grincheuxmarrant
3 mai 2012

Plenel : « Nous avons plus d'une preuve contre Sarkozy »

À quelques jours du second tour, Nicolas Sarkozy a déposé plainte contre Mediapart pour des accusations de financement illégal de sa campagne de 2007 par le régime libyen. Edwy Plenel a répondu à vos questions ce midi

Plenel  : « Nous avons plus d'une preuve contre Sarkozy »

©afp

Sur les preuves incrimant le président sortant

« Un seul document isolé, sans contexte, enquête et vérification, ne suffit jamais à prouver quelque chose. Le document officiel libyen que nous avons révélé et dont nous maintenons qu'il est authentique est une pièce d'un vaste puzzle que Mediapart a mis au jour depuis l'été 2011. Nous ne nous appuyons pas sur un seul document, mais sur plusieurs, pour affirmer que Nicolas Sarkozy et ses proches ont construit à partir de 2005 des relations étroites avec le premier cercle du dictateur Kadhafi dont l'argent était l'un des enjeux, sinon l'enjeu principal côté français. »

« Sous-produit de celle sur l'affaire Karachi, notre enquête a commencé en juillet 2011 avec la découverte des documents Takieddine. Elle a déjà dévoilé ce que nous appelons « le grand soupçon » ou « le secret » libyen de M. Sarkozy, et plusieurs des documents que nous avons révélés sont aujourd'hui en accès libre sur notre site de base de donnée FrenchLeaks. Bref, « le » document révélé le week-end dernier s'inscrit dans une enquête au long cours dont il prolonge et augmente le sérieux et la gravité. Car c'est bien d'une affaire d'État dont il s'agit. »

Sur la méthode et le timing de Mediapart quant à cette dernière révélation

« Ce n‘est jamais facile d'obtenir des informations sensibles. Et nous n'avons évidemment pas attendu la fin de ce quinquennat pour le faire s'agissant de celles qui concernent la part d'ombre du sarkozysme. Mediapart a déjà révélé les dessous des affaires suivantes : l'affaire Tapie, les Caisses d'Épargne, l'affaire Karachi, l'affaire Bettencourt, les documents Takieddine, et maintenant le secret libyen. »

« Notre agenda n'est pas électoral, encore moins politicien : quand une information est bonne à publier parce que d'intérêt public, nous la mettons en ligne. Notre seul calendrier est professionnel et démocratique : répondre à notre mission qui est de satisfaire le droit de savoir des citoyens. »

« Nous avons cherché et obtenu ce document difficilement auprès de sources réticentes, dans des conditions délicates. Que se serait-il passé si, apprenant que nous l'avions en notre possession, vous découvriez que nous l'avons volontairement caché en attendant la fin de l'élection présidentielle ? Ce serait laisser la place au soupçon d'avoir un agenda caché, pour des raisons extérieures à notre responsabilité professionnelle. »

« Je le répète : la liberté de la presse, le droit à l'information n'est pas un privilège des journalistes, mais un droit des citoyens. De plus, nos révélations (depuis dix mois, j'y insiste, et qui ont fini par percer ces derniers jours) font partie du débat public car elles dévoilent des faits graves de financement occulte de la politique française par un État étranger, qui, de plus, est une dictature. »

Sur l'argent qu'aurait acquis Sarkozy au cours de cette campagne

« Où est passé cet argent ? Nous n'en savons rien. C'est pourquoi il faut qu'un juge indépendant soit chargé d'enquêter sur cette affaire libyenne à partir de tous les documents que nous avons rendus publics. Nous n'avons pas les moyens (même si nous cherchons) de percer tous les secrets des comptes offshore, des sociétés écrans, des filières de financements, des valises d'argent, du blanchiment de ces montants faramineux. »

« Évidemment qu'il ne s'agit pas, avec de telles sommes vertigineuses, des seules campagnes électorales. Nos révélations n'ont-elles pas mis en lumière le rôle d'un très proche de Nicolas Sarkozy, Thierry Gaubert, dans des circuits financiers occultes, via des sociétés écrans dans des paradis fiscaux, avec fraude fiscale et enrichissement personnel (notamment un petit palais en Colombie sur lequel Mediapart a été le seul à enquêter). Ces faits-là sont connus de la justice qui, de fait, depuis nos révélations de cet été, a mis en examen, outre l'intermédiaire financier Ziad Takieddine, rouage et témoin essentiel, deux intimes de Nicolas Sarkozy, Nicolas Bazire et Thierry Gaubert, déjà cité. »

Sur Ziad Takiedinne

« Le témoignage de Ziad Takieddine, qui ne porte pas Mediapart dans son cœur au point de nous poursuivre en justice depuis pas mal de temps déjà, est essentiel. Alors que ce document libyen le mentionne et, par conséquent, le compromet, il l'a spontanément authentifié, en ajoutant que son contenu était vrai. Il n'est pas indifférent de souligner que Takieddine était à Tripoli le 9 décembre 2006, soit la veille du jour qui figure sur le document que nous avons publié, daté du 10 décembre 2006. Sa réaction fait partie des éléments qui nous ont convaincus, même si ce n'est évidemment pas le seul, loin de là, que ce document était vrai. »

« Par ailleurs, qu'est-ce qui permet à Sarkozy de dire qu'il est faux ? Deux témoins du premier cercle kadhafiste dont l'un était protégé en secret par la France alors qu'il fait l'objet d'une fiche de recherche d'Interpol et dont l'autre est également protégé en secret au Qatar, allié de la France dans l'opération militaire en Libye. Ces deux hommes ne peuvent rien refuser à ces pays qui leur évitent ce qui devrait être leur sort normal : répondre de leurs actes sous la dictature dans leur pays. C'est ce que nous expliquons, avec de nouvelles précisions, dans notre enquête de ce matin. »

Sur l'impact de ces révélations et l'activité de Mediapart d'ici la fin du second tour

« L'impact, je n'en sais rien, et parfois (depuis 35 ans que je fais ce métier), je me désole aussi de ce que des révélations choquantes n'éveille pas plus l'opinion publique. Mais à quoi bon se lamenter ? Déjà, ayons le plaisir du travail bien fait et, aussi, celui de concilier notre profession et notre devoir de citoyen. »

« Quant à ce que nous allons faire d'ici dimanche : de fait, nos révélations sont actuellement quotidiennes, par exemple ce matin sur les deux (faux) témoins libyens de M. Sarkozy dans sa plainte où il nous accuse de faux (ne manquez pas ces informations, elles sont éclairantes). Et puis ce sera comme ça vient. Pas d'agenda caché. »

Sur le virage à droite de Sarkozy

« L'événement de cette campagne est le surgissement d'une droite extrême incarnée par Sarkozy, qui rompt avec toute la tradition de la droite républicaine française depuis 1945. Le président sortant parle comme Marine Le Pen, reprend toutes les obsessions de l'extrême droite, promeut l'idéologie du Front national. C'est lui qui, actuellement, installe de la violence, de l'hystérie et de la haine dans le débat public. »

« Rendez-vous compte : désignation des civilisations inférieures assimilées à l'islam, stigmatisation des étrangers, obsession des frontières, évocation des « musulmans d'apparence », affirmation que la viande halal est le premier souci des Français… C'est une campagne xénophobe et islamophobe comme je n'ai jamais vu, et c'est vraiment inquiétant, non seulement pour la France mais pour l'Europe. Ce n'est plus une question de droite ou de gauche, mais de principes républicains et démocratiques, tout simplement. »

« J'espère donc, comme citoyen, qu'un maximum de voix en faveur de François Hollande permettra de tourner cette page honteuse pour notre pays. L'alternance est nécessaire, sans chèque en blanc ni confiance aveugle. Reste ensuite à inventer l'alternative dont tous nos pays ont besoin pour sortir de l'ornière de la crise, de la récession et de la dépression. »

Sur le présidentialisme français

« Je n'ai aucun mépris pour la politique et ceux qui s'y engagent. J'espère donc qu'il y a des politiques sans casserole et qui ont une haute idée de la vertu publique. Reste qu'en France, nous avons besoin d'une véritable refondation démocratique tant notre présidentialisme tire vers le bas la vie publique et dévitalise notre République. Ce que j'appelle le présidentialisme n'est pas l'existence d'un régime présidentiel, mais sa pathologie ou sa démesure, cette variante bonapartiste ou césariste qu'offre la France avec un président concentrant trop de pouvoirs dont Sarkozy a offert la version la plus excessive avec son hyper ego présidentiel. »

« Ce présidentialisme français est au système présidentiel ce que l'intégrisme est à la religion ou ce que l'absolutisme est à la monarchie : un excès, un déséquilibre, un danger potentiel. J'espère donc vivement qu'une nouvelle période s'ouvre qui redynamise notre démocratie, redonne du pouvoir au Parlement, rétablisse les contre-pouvoirs, etc. Vous voyez, j'ai beau révéler des nouvelles plutôt accablantes ou démoralisantes, je reste un citoyen optimiste. »

Sur la ligne éditoriale de Mediapart et son indépendance

« Mediapart est tout simplement un journal numérique indépendant et libre, attaché à une exigence démocratique et sociale pour la république française. Notre seule ligne est de fournir à ceux qui nous lisent toutes les informations d'intérêt public qui peuvent les aider à être libres dans leurs choix et leurs opinions. Nos enquêtes répondent à nos critères professionnels, ceux d'un journalisme de qualité, sourcé, documenté, vérifié, etc. »

« Mediapart a vocation à appartenir à ceux qui y travaillent. C'est ce que nous construisons en renforçant pas à pas notre indépendance. Pour l'instant, les actionnaires majoritaires sont les journalistes fondateurs, appuyés par une Société des amis dont le président est un universitaire, le mathématicien Michel Broué, et par quelques actionnaires partenaires qui ont vocation à sortir dans les années à venir. Dans notre CA, où sont prises toutes les décisions et que je préside, nous sommes 4 fondateurs plus un président des amis de Mediapart sur un total de sept membres, les deux autres sièges représentant les actionnaires extérieurs. »

« Donc faites le calcul : cinq sur sept, c'est une claire majorité. Reste une clé essentielle : la seule garantie durable de notre indépendance, c'est notre liberté financière qui repose sur une seule recette, les abonnements de nos lecteurs. Pas de publicité, pas de subvention, pas de mécène ! »

source: Le soir.be journal belge

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